Développement de l’appareil locomoteur

2018-2019

1 Formation des membres

Les premières ébauches apparaissent avec le mésenchyme, les premières différentiations se font à partir de la 7ème semaine. Le début de l’ossification se situe à la 9ème semaine, le tissu osseux se minéralise de façon progressive à partir du 3ème trimestre. À la naissance, il y a environ 30g de calcium dans le corps du nouveau-né.

Les premières ébauches du squelette axial apparaissent vers le 15ème jour. Les ébauches des vertèbres et des arcs costaux apparaissent à la 4ème semaine en même temps que les premières ébauches des membres :

Développement des membres
 Chaque bourgeon est constitué d’un massif de cellules provenant du mésoblaste et du mésoderme qui soulève une zone épaissie de l’ectoderme, le bourrelet ectodermique apical. A la cinquième semaine le bourgeon prend un aspect aplati d’où son nom de palette.

A la fin de la cinquième semaine, du fait de phénomènes d’induction réciproque entre les dérivés mésodermiques et ectodermiques, la partie proximale du bourgeon se développe et s’allonge en repoussant la palette vers l’extérieur. Certaines cellules mésoblastiques se différencient en myoblastes qui donneront les ébauches des massifs musculaires. Ils s’individualisent à la 6ème‑7ème semaine et sont séparées par des éléments mésenchymateux qui se transforment en chondroblastes à l’origine de l’ébauche cartilagineuse des pièces du squelette.

1.1 Morphogénèse des membres

Les membres se développent très rapidement de la 4ème à la 8ème semaine. Le développement du membre supérieur devance de 48h celui du membre inférieur. Dans cet intervalle, une atteinte au développement osseux sera définitive.

Développement de la main
 

1.1.1 Les axes de développement des membres

Axes du membre
 

1.1.2 Régionalisation proximo-distale

Crète ectodermique apicale
 

La crête ectodermique apicale (CEA) sécrète un facteur de croissance : le FGF, dont il existe plus de 20 isoformes. Il permet le maintien des cellules mésenchymateuses à un stade prolifératif et indifférencié ce qui permet la croissance du membre en longueur (vers la distalité). Le FGF-8 est le facteur le plus important (tous les segments), les FGF4, 9 et 17 agissent dans le développement du zeugopod.

1.1.3 Régionalisation antéro-postérieure

ZAP
 L’axe antéro-postérieur est aussi appelé axe cranio-caudal. Sa polariasation permet le bon positionnement des doigts. La différenciation antéro-postérieure se déroule grâce à la « zone d’activité polarisante (ZAP) » qui est une zone de mésoderme à la jonction postérieure du bourgeon du membre. Elle sécrète un facteur de croissance : la protéine Sonic HedgeHog (SHH). Il y a de nombreux facteurs impliqués dans la polarisation de cet axe :

Les gènes homéotiques (Hox) sont les gènes du développement, ils sont impliqués dans la formation des membres.

1.1.4 Axe dorso-ventral

La polarisation de l’axe dorso-ventral positionne les muscles fléchisseurs et extenseurs.

Axe dorso-ventral
 À partir de l’ectoderme dorsal un facteur protéique, Wnt7a, est diffusé vers la partie centrale. Inversement, la BMP entraîne la sécrétion du facteur Engrailed-1 (En1) à partir de l’ectoderme ventral. Le facteur de transcription En1 réprime l’expression de WNT7A.

1.1.5 Les interactions entre les 3 axes

Interactions entre les 3 axes
 

2 Mécanismes d’ossification

2.1 Ossification primaire

Ossification enchondrale résumée
 L’ossification primaire est la mise en place de l’os primaire. Elle dure quelques semaines. La mise en place de la diaphyse (ossification centrale) commence le 2ème mois de la vie intra-utérine. Elle se fait par modification morphologique d’une ébauche cartilagineuse dont la forme préfigure celle du futur os long. Les 2 extrémités du cartilage initial ne sont pas recouvertes de périchondre car le cartilage articulaire s’y développera. Elle est le résultat de 2 phénomènes simultanés : l’ossification périostique (depuis la périphérie) et l’ossification enchondrale (depuis le centre).

Les précurseurs de la moelle hématopoïétique se mettent en place durant cette phase de croissance osseuse primaire. La cavité médullaire se met en place après le 4ème mois : l’os enchondral spongieux est détruit par les ostéoclastes au centre de l’ébauche.

2.1.1 Ossification périostique

Ossification périostique
 Le périchondre de la portion centrale se transforme en périoste de façon circonférentielle (au niveau du centre de la future diaphyse). Il contient une couche externe vascularisée fibreuse et une couche interne qui contient les cellules mésenchymateuses. Il exerce une activité ostéogène en utilisant les fibres de collagène de la MEC comme support. Il se forme une substance préosseuse : la virole osseuse périostique. Le déclenchement de la métamorphose du périchondre en périoste est due en partie à une augmentation de la vascularisation.

2.1.2 Ossification enchondrale

Ossification enchondrale
 Elle se déroule en même temps que l’ossifiction périostique. Au centre de l’ébauche apparaît un point d’ossification opaque aux rayons X, alors que le cartilage est transparent :

  1. Au centre du cartilage hyalin les chondrocytes augmentent de volume et les chondroplastes s’élargissent (jusqu’à 10 fois) pour donner du cartilage hypertrophique. Ils synthetisent du VEGF et de la phosphatase alcaline de manière importante.
    • Phosphatase alcaline : enzyme caractéristique des ostéoblastes qui minéralise la matrice cartilagineuse hypertrophique
    • VEGF : facteur attractant pour les vaisseaux, il va attirer des bourgeons conjonctivo-vasculaires issus des vaisseaux du périoste.
  2. La matrice cartilagineuse possède une élasticité importante ce qui permet la circulation d’eau et d’éléments nutritifs. Sa minéralisation entraîne son durcissement et la mort des chondrocytes par manque d’éléments nutritifs.
  3. Le point d’ossification enchondral (minéralisation) s’étend
  4. Des bourgeons conjonctivo-vasculaires (attirés par le VEGF) pénètrent au centre de l’ébauche en amenant des ostéoclastes ou chondroclastes
  5. Les chondroclastes détruisent des travées de cartilage calcifié qui séparent les chondroplastes. La fusion des cavités chondroplastiques forme la cavité médulaire primitive.
  6. Les bourgeons conjonctivo-vasculaires amènent des cellules mésenchymateuses indiférenciées qui vont se différencier (pour certaines) en ostéoblastes.
  7. Les ostéoblastes se disposent les uns à côté des autres le long des fragments de matrice calcifiée laissés par les ostéoclastes puis commencent la synthèse osseuse.

L’ossification primaire enchondrale s’étend en direction des épiphyses. La première travée directrice persiste comme cartilage hyalin calcifié dans l’os primaire enchondral ce qui permet de le différencier de l’os périostique. Jusqu’à la fin du 3ème mois, la croissance osseuse est plus rapide que la croissance de l’ébauche cartilagineuse.

Ossification enchondrale
 À partir de la fin du 3ème mois se mettent en place des structures spécialisées au niveau des régions métaphysaires : les cartilages d’accroissement métaphysaires.

2.2 Le cartilage d’accroissement métaphysaire

Étapes
 La coloration de Masson permet de bien différencier les structures osseuses :

Le cartilage d’accroissement métaphysiaire permet la poursuite de la croissance cartilgineuse, il persiste jusqu’à la fin de la croissance osseuse. Sous le cartilage de réserve, le cartilage sérié contient des cellules en groupes isogéniques axiaux. De la cavité médulaire viennent des chondroplastes ou ostéoplastes qui érodent le cartilage calcifié au niveau de la ligne d’érosion.

2.3 Ossification épiphysaire

Elle commence plus tardivement, à partir de la naissance ou des années qui suivent la naissance. C’est une ossification enchondrale du même type que pour la diaphyse.

Âge osseux
 Les os ne sont pas touchés en même temps : ils commencent suivant une séquence cranio-caudale bien connue, ce qui aide à donner un âge osseux. Elle est plus précoce près du corps et plus tardive vers les extrémités.

Croissance épiphysaire
 

  1. Des bourgeons conjonctivo-vasculaire pénètrent au centre de l’épiphyse dès la vie intra-utérine
  2. Pause jusqu’à la naissance (ou mois suivants)
  3. Apparition d’un point d’ossification principal au centre de l’épiphyse
  4. Il progresse de façon centrifuge
  5. Un cartilage d’accroissement épiphysaire se met en place autour du point d’ossification principal, initialement de façon circonférentielle, en couronne.
  6. Très rapidement, en regard de la métaphyse, le cartilage d’accroissement est remplacé par une lame osseuse plane.
  7. Le cartilage d’accroissement épiphysaire prend alors une forme « en fer à cheval ».

L’os spongieux sera conservé au niveau de l’épiphyse, il contiendra la moelle hématopoïétique. Par contre il disparaît au niveau de la médulaire de la diaphyse

2.4 Ossification secondaire

2.4.1 Haversification

Elle débute vers le milieu de la vie intra-utérine, et termine à la fin de la croissance. L’os primaire est progressivement remplacé par de l’os secondaire, tout en continuant à croître :

  1. Des ostéoclastes migrent depuis le périoste ou la cavité médulaire dans l’os primaire
  2. Ils font apparaître les futurs canaux de Volkman dans lesquels se formeront des capillaires sanguins puis se dirigent parrallèlement à l’axe de la diaphyse
  3. Ils détruisent progressivement de l’os primaire en creusant des lacunes d’Howship.
  4. Les ostéoblastes sont recrutés sur l’os primaire qui leur sert de support
  5. Ils élaborent une formation osseuse qui sert de support à la seconde génération d’ostéoclaste.
  6. Les systèmes de Havers se mettent en place de façon très progressive.
  7. Il y a des poussées d’ostéoclasie successives qui permettent de remplacer tout l’os primaire et même une partie des premiers systèmes de Havers

Haversification
 À la fin de la croissance osseuse, tout l’os primaire a été remplacé par des systèmes de Havers. De part et d’autre du système de diaphyse se forment les systèmes circonférentiel interne et externe

2.4.2 Croissance osseuse

La croissance en épaisseur est liée à l’activité ostéogène du périoste, alors que la croissance en longueur est dûe à l’activité des cartilages de conjugaison. C’est une succession de phases de croissance cartilagineuse et de maturation, deux phénomènes en équilibre. La destruction du cartilage de conjugaison entraîne l’arrêt définitif de la croissance en longueur.

Croissance en longueur
 La fin de la croissance est marquée par la remplacement complet des cartilages d’accroissement par du tissu osseux lors de la phase de maturation.

2.4.3 Modelage des pièces osseuses

Il se fait grâce à la régulation des phénomènes d’ostéogénèse et d’ostéoclasie :

Modelage
 

2.5 Formation des différents types d’os

Les os longs se développent selon une ossification primaire puis secondaire.

Croissance des os courts
 La croissance des os courts se fait sur le même mode que l’épiphyse des os longs, on peut prendre comme exemple les vertèbres.

Les os plats sont les os de la voûte du crâne et de la face. Leur croissance se déroule sur un modèle conjonctif et non pas cartilagineux. On les appelle « os de membrane » car ils croissent sur un support conjonctif. Les cellules mésenchymateuses se différentient en ostéoblastes puis se fixent sur les fibres de collagène pour former l’os.

Croissance des os plats
 L’ossification intra-membraneuse fait apparaître des travées d’os spongieux central en même temps que l’ossification périphérique met en place des corticales d’os compact (tables). L’os primaire est remplacé petit à petit par de l’os secondaire. Une partie de l’os reste sous forme conjonctive plus longtemps chez le nouveau-né, par exemple dans l’os du crâne : la fontanelle permet le développement du cerveau.

3 Croissance osseuse post-natale

Le tissu osseux est un tissu vivant qui se renouvelle tout au long de la vie. 80% du calcium de l’organisme est situé dans le tissu osseux (1-1.2kg de calcium stocké par individu dans le tissu osseux).

3.1 Le cartilage de croissance

Le cartilage de croissance est aussi appelé cartilage de conjugaison. Sa hauteur est constante durant la croissance du membre. Durant la vie fœtale, les facteurs régulateurs de la croissance longitudinale sont des facteurs de transcription autocrines ou paracrines contrairement à la croissance post-natale où interviennent des hormones.

Indian HedgeHog (IHH) est un facteur de transcription sécrété par les chondrocytes hyertrophiques. C’est un facteur favorisant l’ossification enchondrale, il permet :

Le PTHrp est exprimé par les cellules du périchondre et les chondrocytes prolifératifs. Il contribue à l’élongation osseuse en maintenant les chondrocytes dans le stade prolifératif. Sa production est favorisée par la présence de IHH. Les FGFs (22 isoformes) sont des facteur de croissance ubiquitaires. Ils interviennent dans la croissance osseuse par l’intermédiaire de leurs récepteurs (4 différents - notamment FGFR3). FGFR3 est un facteur inhibiteur de la croissance osseuse. Les BMPs sont des facteurs activateurs produits par les chondrocytes hypertrophiques.

Résumé simplifié
 

3.2 Suivi de la croissance

La courbe de sempé permet de suivre l’âge statural sur une toise adaptée. Il est possible de déterminer l’âge osseux d’après la maturation osseuse sur une radiographie du poignet. On peut ainsi détecter des anomalies en comparant avec l’âge chronologique. On peut aussi mesurer le contenu minéral osseux (CMO) par densitométrie osseuse (radio spécialisée).

Évolution CMO
 

  1. Enfance : acquisition du CMO durant la croissance staturale
  2. Puberté : pic de croissance et d’acquisition du CMO sous l’action des stéroïdes sexuels.
  3. La fin de la puberté marque la fin de l’acquisition du CMO et de la croissance.

L’ensemble se déroule selon un important déterminisme génétique.

3.3 Période pré-pubertaire

Cette période est marquée par une importante croissance longitudinale induite par le système GH/IGFs

Axe hypothalamo-hypophysaire
 Les cellules somatotropes de l’hypophyse antérieure produisent l’hormone de croissance GH.

Sécrétion de l’hormone de croissance
 Il est difficile de doser l’hormone de croissance à cause de sa demi-vie courte et de sa sécrétion pulsatile et nocturne. La synthèse est régulée par les hormones hypothalamiques : inhibée par la stomatostatine GIH et stimulée par la GHRH. La forme majoritaire possède 191 acides aminés pour 22kDA, elle circule majoritairement sous forme libre dans le sang (80%).

Action sur la croissance du cartilage
 L’hormone de croissance possède une action directe sur la croissance des cartilages en induisant la différenciation des cellules souches, mais aussi une action indirecte par stimulation de la sécrétion d’IGF-I. Elle agit directement sur le métabolisme intermédiaire en augmentant la sécrétion d’insuline et de la résistance à l’insuline, en stimulant la lipolyse du tissu adipeux. Elle possède aussi une action indirecte anabolisante sur les autres tissus (coeur, muscle, rein…) par l’intermédiaire de l’augmentation du taux d’IGF-1.

Les ** insulin-like growth factor IGFs** sont des polypeptides de faible poids moléculaire (7-8 kDa) de structure proche de l’insuline. La sécrétion des IGF est ubiquitaire (tous les tissus) mais l’IGF-1 est sécrétée de manière très importante par le foie. Ils circulent dans le sang sous forme liée.

L’IGF-1 permet l’augmentation de la prolifération cellulaire et des synthèses protéiques dans les tissus. Il possède aussi un rôle de promoteur de l’ossification enchondrale. L’IGF-2 est impliqué dans le remodelage du tissu osseux adulte par la stimulation des ostéoblastes.