Histologie de l’œil
2019-2020
L’œil est le récepteur sensoriel de la vision. Les tissus qui le composent forment des couches que nous allons décrire depuis l’extérieur vers l’intérieur.
La tunique superficielle comprend la sclérotique et la cornée, la tunique moyenne s’appelle uvée et regroupe la choroïde, les 2 corps ciliaires et l’iris, et enfin la tunique profonde s’appelle la rétine.
1 Tunique externe
C’est une tunique fibreuse qui protège l’œil. Elle est formée par la schlérotique en arrière et la cornée en avant.
1.1 La sclérotique
La sclérotique est en continuité en arrière avec la dure-mère du nerf optique et en avant avec le stroma cornéen. Elle apparaît blanche et opaque à la lumière car elle est très riche en fibres de collagène organisées en plans parallèles à la surface. C’est le lieu d’insertion des muscles oculomoteurs.
1.2 La cornée
La cornée est constituée, de la périphérie vers la profondeur :
- d’un épithélium cornéen antérieur de type malpighien non kératinisé, riche en terminaisons nerveuses libres non myélinisées, à l’origine du réflexe cornéen.
- de la « membrane » de Bowman, barrière de protection vis-à-vis des bactéries et des traumatismes. Elle contient des fibres de collagène et de la substance fondamentale mais pas de cellules. Lors d’une plaie elle ne pourra se reconstituer à l’identique et sa cicatrisation pourra être à l’origine d’une opacification focale gênant la vision.
- du stroma cornéen composé de fibres de collagène parallèles formant des plans superposés. Les fibres de chaque plan sont perpendiculaires aux fibres des plans adjacents : on parle d’un tissu conjonctif orienté bitendu. Il est nourri par l’humeur aqueuse et n’est pas vascularisé. L’absence de vaisseaux et l’orientation des fibres de collagène permet la transparence de la cornée.
- de la membrane de Descemet, membrane basale un peu épaissie.
- de l’épithélium cornéen postérieur, pavimenteux simple. Il possède des jonctions serrées étanches et des pompes ioniques qui empêchent l’humeur aqueuse de passer dans la cornée. Cet épithélium se renouvelle très lentement, s’il est abimé il aura du mal à se régénérer et il y aura un œdème de la cornée.
1.3 Limbe scléro-cornéen
Le limbe scléro-cornéen correspond à la zone de transition entre la cornée et la sclère. Il se situe à l’angle situé entre la cornée et l’iris. Le limbe est constitué de nombreux petits canalicules (a) qui se rejoingnent dans le canal de Schlemm (b) qui fait le tour de l’œil à la jonction entre la cornée et la sclère et se draine dans des veines de la choroïde (c). L’épithélium des canalicules est en continuité avec l’épithélium postérieur de la cornée.
L’humeur aqueuse est résorbée par le système de canalicules et s’évacue dans les veines choroïdiennes.
2 Tunique moyenne
La couche moyenne, située entre la sclérotique et la rétine est appelée uvée. Elle possède une importante vascularisation, c’est pourquoi on l’appelle aussi tunique vasculaire. On lui décrit 3 territoires de l’arrière vers l’avant : la choroïde, le corps ciliaire et l’iris.
2.1 La choroïde
La choroïde est un tissu conjonctif lâche très vascularisé, innervé, contenant des cellules musculaires lisses et des mélanocytes. Il va de l’émergence du nerf optique jusqu’à l’ora serrata. Elle recouvre toute la face postérieure de l’œil, en continuité avec l’arachnoïde du nerf optique en arrière.
La partie la plus externe au contact de la sclère présente des vaisseaux de taille moyenne avec une paroi musculaire lisse. c’est la couche des vaisseaux. Cette couche se résout en un système capillaire : la couche chorio-capillaire.
Entre la couche chorio-capillaire et la rétine se trouve la membrane de Brüch, lame basale des capillaires qui repose sur une lame de tissu riche en fibres de collagène et élastiques qui elle-même recouvre la lame basale de l’épithélium pigmentaire de la rétine.
2.2 Le corps ciliaire
Le corps ciliaire se trouve entre l’ora-serrata et la base de l’iris. Il est constitué d’une partie postérieure plate et d’une partie antérieure mamelonnée par la présence des procès ciliaires (replis de la muqueuse). Les procès ciliaires sont accrochés au cristallin par des ligaments : les fibres zonulaires.
Le muscle ciliaire circulaire se situe dans le corps ciliaire, il entoure à distance le cristallin. Quand ce muscle se contracte les ligaments se détendent, permettant au cristallin de s’arrondir : cela correspond à l’accommodation. Au contraire si le muscle se détend, les ligaments se tendent et étirent le cristallin qui s’aplatit : l’œil est au repos.
Le corps ciliaire est recouvert par un épithélium dit « bi-stratifié » appelé parfois rétine ciliaire qui comprend une couche profonde pigmentée et une couche superficielle non pigmentée au contact de l’humeur aqueuse. A plus fort grossissement on observe qu’il ne s’agit pas d’un véritable épithélium bi-stratifié : les pôles apicaux des cellules pigmentées et non pigmentées se font face et délimitent le canal ciliaire où se déverse l’humeur aqueuse produite par cet épithélium.
Comme pour beaucoup d’épithélium jouant un rôle dans la réabsorption et la sécrétion on observe une membrane plasmique basale avec de nombreuses invaginations augmentant la surface d’échange disponible et l’on note de nombreuses mitochondries produisant l’ATP nécessaire pour les pompes ioniques.
2.3 L’iris
L’iris est un disque troué en son centre en continuité avec le corps ciliaire, qui recouvre partiellement le cristallin. L’orifice central correspond à la pupille. Le diamètre de la pupille varie, permettant de contrôler la quantité de lumière qui pénètre dans l’œil. Les mélanocytes présents dans l’iris vont déterminer la couleur des yeux.
Il ressemble à une languette sur une coupe longitudinale. Description d’avant en arrière :
- Le couche limitante antérieure est une membrane constituée de fibroblastes étoilés et de mélanocytes, ce n’est PAS un épithélium.
- En arrière, il y a un tissu conjonctif vascularisé formé lui aussi de fibroblastes étoilés et de mélanocytes, plus distants les uns des autres. La couleur des yeux dépend de la quantité de mélanocytes qu’il y a dans ce tissu conjonctif. Il contient le muscle constricteur de l’iris, muscle circulaire qui permet le réflexe pupillaire.
- L’épithélium postérieur est bi stratifié cubique (rétine iridienne) avec les deux couches pigmentées. Il repose sur une membrane basale sous laquelle se trouvent des cellules musculaires lisses qui forment le muscle dilatateur de l’iris.
2.4 Le cristallin
Le cristallin est un organe transparent en forme de sphère aplatie. Il est entouré d’une capsule conjonctive recouverte sur sa face interne et antérieure par un épithélium simple cubique.
Les cellules cubiques se divisent et migrent vers la région équatoriale du cristallin en s’allongeant dans le sens antéro-postérieur. Elles perdent leur noyau et donnent de longues cellules : les fibres cristalliniennes, renouvelées continuellement par l’arrivée de nouvelles cellules en différenciation.
3 La couche interne : la rétine visuelle
Il s’agit du tissu qui permet de capter, d’intégrer et de transmettre les informations visuelles. Elle borde le segment postérieur de l’œil depuis l’ora serrata jusqu’à l’émergence du nerf optique, en continuité avec la rétine aveugle qui recouvre le corps ciliaire. Elle est constituée de 2 couches : une externe pigmentée et une interne neurale ou sensorielle.
3.1 La couche externe pigmentée
C’est un épithélium pigmentaire simple cubique qui repose sur la membrane de Brüch. Les cellules épithéliales contiennent des grains de mélanine ainsi que de nombreuses mitochondries. Elles présentent à leur pôle apical de grands replis qui englobent la partie externe des photorécepteurs.
La partie externe du photorécepteur est une différentiation de la cellule neurosensorielle capable de capter la lumière. La cellule pigmentée capte la lumière en excès, ce qui permet l’élaboration d’une information lumineuse précise par le photorécepteur.
Les cellules pigmentées ont aussi un système lysosomal très développé qui leur permet d’assurer la fonction de phagocyte : la partie externe du photorécepteur est phagocytée afin de régénérer les photo-pigments.
3.2 La rétine neurale ou sensorielle
3.2.1 Descritpion histologique
Les cellules composant la rétine neurale :
- Les photorécepteurs (vert) sont les cônes et bâtonnets, nommés d’après leurs extrémités externes en forme de cône ou de bâtonnet
- Les neurones de conduction correspondent aux neurones bipolaires (orange) et aux neurones ganglionnaires (beige)
- Les neurones d’association (jaune) sont les cellules amacrines et les cellules horizontales qui permettent d’intégrer les informations provenant de différents photorécepteurs, de moduler la transmission de l’information et de la transmettre à plusieurs neurones.
- Les cellules de Müller (rose) sont des cellules de soutien spécifique de la rétine.
3.2.2 Les photorécepteurs
Un photorécepteur est un neurone capable de capter la lumière. Il en existe 2 types : les cônes et les bâtonnets. Les cônes permettent d’avoir une vision précise des choses et de voir les couleurs alors que les bâtonnets, dans la rétine plus périphérique, détectent mieux les intensités lumineuses et les mouvements. Le corps cellulaire avec le noyau est au milieu de deux expansions allongées :
- l’expansion externe est réceptrice, assimilable à une dendrite. Elle capte l’information lumineuse.
- l’expansion interne fait synapse avec le neurone bipolaire afin de lui transmettre l’information lumineuse, elle est assimilable à un axone.
L’expension réceptrice est formée de 3 parties : l’article du segment externe vers l’épithélium pigmenté, d’un cil connectif central et de l’article du segment externe vers le corps cellulaire.
L’article du segment externe est la partie du photorécepteur moulée dans l’épithélium pigmenté. Il est constitué de disques membranaires empilés formés par l’invagination de la membrane plasmique.
Les photo-pigments capables de capter l’information lumineuse se trouvent entre les disques. Dans les bâtonnets, le photo-pigment est la rhodopsine et dans les cônes c’est de l’iodopsine. Un disque migre du cil connectif à la partie la plus externe de la cellule en 10 jours. Une fois que le photo-pigment a été illuminé la cellule pigmentaire vient phagocyter le disque pour renouveler le photo-pigment.
L’article du segment interne contient les constituants habituels d’une cellule : mitochondries, corpuscules basaux du cil connectif, appareil de Golgi, REG, REL…
3.2.3 Les autres cellules
- Les neurones bipolaires relient le photorécepteur à la cellule ganglionnaire.
- Les cellules horizontales et les cellules amacrines sont des neurones qui modulent l’information provenant des différents photorécepteurs et neurones avec qui elles entrent en contact.
- Les cellules ganglionnaires transmettent l’information au cerveau via leur axone. L’axone des cellules ganglionnaires est une très longue fibre qui part de son corps cellulaire et longe la face interne de la rétine jusqu’à l’émergence du nerf optique où il rejoint les autres axones des autres cellules ganglionnaires. C’est l’ensemble de ces axones qui forme le nerf optique.
- Les cellules de Müller sont des cellules de soutien. Ce sont de grandes cellules allongées avec à leur extrémité externe et interne des expansions cytoplasmiques en forme de pieds. Les pieds externes sont liés aux photorécepteurs par des zonula adherens, formant la membrane limitante externe observable en MO. A leur extrémité interne les pieds des cellules de Müller sont accrochés les uns aux autres et reposent sur une membrane basale formant la limitante interne observable en MO.
- Les astrocytes sont les cellules de soutien du système nerveux central auquel la rétine appartient. Ils permettent de nourrir et de soutenir ces neurones comme dans le reste du SNC.
3.3 Histologie de la rétine
Les cellules de la rétine sont organisées en couches observables en microscopie optique. On observe une alternance de couches d’aspect homogène et d’aspect granulaire :
- L’épithélium pigmentaire forme une monocouche de cellules cubiques riches en pigment.
- La couche des photorécepteurs est d’aspect rose pâle plutôt homogène avec une striation discrète verticale. Elle correspond à la partie réceptrice des cônes et des bâtonnets.
- Au niveau de la membrane limitante externe les cellules de Müller forment des jonctions adhérentes avec les photorécepteurs.
- La couche granuleuse externe contient des grains violets qui correspondent aux noyaux des corps cellulaires des photorécepteurs.
- La couche plexiforme externe est d’aspect rose pâle plutôt homogène. C’est la région où les axones des photorécepteurs forment des synapses avec les dendrites des cellules bipolaires.
- La couche granulaire interne contient les noyaux des corps cellulaires des cellules bipolaires et des cellules d’association.
- La couche plexiforme interne est d’aspect rose pâle plutôt homogène. Les prolongements axonaux envoyés par les cellules bipolaires forment des synapses au contact des dendrites des cellules ganglionnaires.
- La couche des cellules ganglionnaires contient les noyaux du corps cellulaire des cellules ganglionnaires.
- La couche des fibres du nerf optique, rose homogène, contient les axones des cellules ganglionnaires.
- La membrane limitante interne est formée par les pieds des cellules de Müller reposant sur la membrane basale.
3.4 Papille, macula et fovéa
Il existe 2 zones particulières visibles sur un fond d’œil : la papille ou disque optique et la macula.
3.4.1 La papille
La papille correspond à l’émergence du nerf optique avec l’artère centrale de la rétine et la veine centrale de la rétine. C’est une tâche aveugle : elle ne contient pas de photorécepteurs.
3.4.2 La macula
La macula est une tache jaune au fond d’œil, non vascularisée et à prédominance de cônes. À ce niveau les cellules ganglionnaires accumulent des pigments xanthophylles, ce qui donne la couleur jaune.
3.4.3 La fovéa
La macula est centrée par une dépression : la fovéa. La fovéa se trouve dans l’axe visuel et ne contient que des cônes, plus de bâtonnets.
Au niveau de la fovéa, les axones des cônes prennent une direction oblique ce qui crée la dépression dans la couche de rétine. À cet endroit, la lumière arrive directement sur le photorécepteur permettant une vision plus précise.
4 Le contenu
4.1 Le vitré
Le corps vitré (ou le vitré, l’humeur vitrée, ou le corps hyalin) est une substance transparente, gélatineuse qui remplit la cavité oculaire en arrière du cristallin. Il contient très peu de cellules, principalement des phagocytes qui éliminent les débris cellulaires indésirables qui se trouvent dans le champ visuel, ainsi que les hyalocytes de la surface du vitré qui fabriquent l’acide hyaluronique. Il est formé d’eau avec des sels, des sucres, de la vitrosine (une sorte de collagène), un réseau de fibres de collagène de type II avec de l’acide hyaluronique, de l’opticine et une grande variété d’autres protéines en faible quantité. Le vitré a une viscosité deux à quatre fois plus grande que celle de l’eau pure, ce qui lui donne une consistance gélatineuse.
Le vitré n’adhère pas à la rétine, sauf au niveau de la tache aveugle , il est fixé à l’ora serratia au niveau de la bande de Wieger, le bord dorsal du cristallin. Contrairement au liquide de la partie antérieure de l’œil (l’humeur aqueuse) qui est continuellement renouvelée, le gel de la chambre du vitré est stagnant. Dès lors, si du sang, des cellules, ou d’autres sous-produits d’un processus inflammatoire s’épandent dans le vitré, ils resteront là.
4.2 L’humeur aqueuse
L’humeur aqueuse est un liquide biologique transparent à faible viscosité qui maintient la pression intra-oculaire et la forme du globe oculaire. Elle occupe la chambre antérieure et postérieure de l’œil et apporte les nutriments nécessaires aux cellules fibreuses du cristallin.
Elle est composée de 99,6 % d’eau, mais aussi de vitamine C, de glucose, d’acide lactique, de NaCl. Elle est pauvre en protéines et en acides aminés. Elle se renouvelle entièrement toutes les 2-3 heures.
Le sang dans les capillaires du corps ciliaire est filtré grossièrement par les cellules endothéliales, son plasma se déverse dans la stroma du corps ciliaire. Les cellules pigmentées et non pigmentées refiltrent ce plasma pour sécréter l’humeur aqueuse dans la chambre postérieure.
Le drainage de l’humeur aqueuse se fait au niveau d’un réseau trabéculaire par le canal de Schlemm, puis via les veines vorticineuses et scléreuses dans la veine opthalmique et le sinus pétreux inférieur (suture pétro-basilaire) et enfin la veine jugulaire interne.